Covid-19 : est-il vrai que certains groupes sanguins augmentent les chances de contamination ?
Par www.liberation.fr
Votre question fait référence à des données diffusées par une équipe chinoise et prépubliées le 11 mars sur la plateforme med Rxiv. L’article présentant ces résultats n’est pas encore publié dans une revue scientifique et n’a pas encore fait l’objet d’une relecture indépendante, ce qui doit inciter à une certaine prudence.
Les chercheurs ont collecté les données sur le groupe sanguin (A, B, O) de 2 173 patients hospitalisés à Shenzhen et Wuhan suite aux conséquences d’une infection par le Sars-CoV-2. En comparant les groupes sanguins des patients infectés et ceux d’un groupe non-infecté, les chercheurs affirment avoir identifié une surreprésentation anormale des patients de type A.
Dans les zones géographiques étudiées, on observe une proportion voisine de personnes de groupes A et O (de l’ordre de 33%). Une surreprésentation de personnes de groupe A parmi les infectés (ici, 37,75%) et une sous-représentation de O (ici, 25,8%) constitue donc une anomalie significative. Dans l’hypothèse où ces résultats seraient généralisables, les chercheurs estiment que le risque d’infection est de 25% à 40% inférieur chez les personnes de groupe O.
Selon les mêmes travaux, la proportion de patients de groupe A décédés suite à l’hospitalisation est également supérieure à celle des patients de groupe O. Des résultats à prendre avec beaucoup de distance.
La plateforme qui prépublie ces données est catégorique : de tels résultats, préliminaires, ne doivent pas être utilisés pour guider la pratique clinique, en Chine comme ailleurs. En outre, comme toujours en recherche, il est indispensable que ces résultats soient répliqués par une équipe indépendante avant d’en tirer des conclusions. En effet, il n’est absolument pas exclu que cette première observation soit due au hasard.
De plus, si ces résultats venaient à être confirmés, rien ne prouve encore qu’ils soient généralisables au-delà de la Chine. En effet, des facteurs génétiques spécifiques aux populations étudiées pourraient constituer une variable plus pertinente que celle du groupe sanguin.
A la date où nous écrivons, il est impossible d’affirmer que le groupe sanguin affecte la sensibilité à l’infection au Covid-19. Il n’existe pas de raison sérieuse pour des patients de groupe sanguin A de s’inquiéter outre mesure, et encore moins pour des patients d’un autre groupe sanguin de se croire immunisés. S’il s’avérait que ces données soient généralisables en Europe (ce qui est loin d’être le cas), elles seraient surtout utiles aux professionnels de santé pour accroître la surveillance des cas graves de groupe A, ou pour affiner les modèles de propagation des épidémies en fonction de la proportion de groupes sanguins dans les populations.
Il est enfin utile de noter que cette étude n’a rien de farfelu. Une corrélation a déjà été identifiée par le passé entre le groupe sanguin A et un autre coronavirus, lors de l’épidémie liée au Sras en 2003. Cette corrélation antérieure est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles cette équipe chinoise a mis en place la présente étude.
Les groupes sanguins sont définis par la présence de marqueurs spécifiques à la surface des globules rouges, marqueurs que l’on peut retrouver dans d’autres cellules du corps humain. Sur le principe, il n’est pas interdit de penser que certaines de ces spécificités puissent favoriser l’infection par le Sars-CoV-2, ce phénomène étant identifié in vitro pour le coronavirus responsable de l’épidémie de 2002.
Florian Gouthière